mardi 27 décembre 2011

Les huit adversaires du PS (et comment il eut fallu les combattre)

« Je n'ai qu'un adversaire, c'est Nicolas Sarkozy »

François Hollande, 12 octobre, au 20 heures de France 2, dans l'entre-deux-tours


Le Parti socialiste est à l'unisson face à son adversaire, répète-t-on aujourd'hui comme une sourate. Seulement, cet adversaire, quel est-il ? Est-ce Sarkozy ? Cela n'est pas le plus important, car il faut surtout sortir du lot des opposants ; à droite, ils sont sept, et deux peuvent accéder au second tour. Qu'est-ce qui distingue Hollande de Bayrou, de Le Pen ? Il faut, dans le jeu politique, réussir à maîtriser la quatrième dimension, celle du temps, et prévoir le créneau dans lequel tel adversaire petit ou grand se répètera. Se répètera ou dira des conneries, pour reprendre le célèbre adage de Mitterrand.


Morin et Boutin devraient revendre leurs centièmes d'électorat convaincus contre la promesse de deniers publics plus intéressants à leurs yeux de ploutocrates que la gloire intellectuelle ; Nihous, comme tous les principicules de droite, devrait jouer une partition clientéliste et avilissante ; Le Pen tirera encore plus la raison humaine vers le bas en produisant une série de paradoxes populaires (qui lui plomberont l'accès au second tour quoi qu'on en dise) mais sa dé-diabolisation prépare surtout les législatives où le FN tentera une alliance avec des partis bourgeois avant la sécession des nazillons. Dupont-Aignan, en spéculant sur la faiblesse de l'Euro, se créera une popularité bien utile pour plus tard (lui qui n'avait pas écrit le mot « justice » dans son programme de 2007) ; Villepin se veut christique mais il a surtout besoin de créer un mythe autour de sa personne pour faire oublier ses casseroles, sa stratégie est post-sarkozyste ce qui n'empêchera pas Sarkozy de se lancer bien après lui.

Si l'on y réfléchit, ces six candidats à la droite de Bayrou ne peuvent pas arriver au second tour parce qu'ils ne le veulent pas. Ils préparent tous l'après-Sarkozy, ce qui est raisonnable puisqu'il y a des postes locaux à promettre, toutes les élections locales sont en 2014 et elles seront anti-gouvernement, donc férocement anti-centre-gauche si Hollande puis le PS-EELV gagnent, mais aussi anti-UMPS si Sarkozy se maintient dans une cohabitation.

Or, selon la rumeur contrôlée ou au vu de l'absence médiatique des grands ministres, Sarkozy commencera le plus tard sa campagne pour se présenter en rassembleur à la manière de Mitterrand en 1988. « Sarkozy rassembleur », cela semble tellement incongru de le dire, et pourtant, celui-ci fait le pari qu'aucun de ses différents adversaires ne s'extraira de la campagne avant lui. Rassembleur face à l'extrême-droite qui a chassé le naturel, et face à la gauche érodée par le pouvoir local et qui tend presque autant au désespoir en la politique que la droite.

L'espoir. Voilà la césure majeure entre Hollande et tous ceux à sa droite : on peut payer ce qu'on promet, on peut passer des traités avantageux, on peut prétendre à améliorer nos vies malgré une croissance faible ou absente, on peut donner plus de chances à nos enfants, on peut sans exclusive donner ses chances à tout le monde. Seulement Hollande se défend peu, se modère, semble douter ; d'autant plus que son parcours de Parisien, d'énarque puis d'apparatchik ne va pas dans le sens d'un prophète.
 
C'est la césure qui transparait le plus à la vision d'un Montebourg et d'un Bayrou discutant sur un plateau de télévision : les agences de notation, on peut ou on ne peut pas s'y opposer. C'est bien évidemment le moteur de l'extrême-droite, désespérée au point de laisser tomber les idéaux de liberté, de démocratie et d'égalité.

Et c'est le slogan de la campagne d'Obama (ces paragraphes étaient-ils par lui subconsciemment menés ?). Ses trois ans de Présidence face à un Congrès désespérant nous montrent aussi que la question de l'espoir est surtout formelle. Une fois avoir placé aux commandes des optimistes, le désespoir ne s'estompe pas, il progresse. Les partisans de Mitterrand s'en souviennent aussi.

L'adversaire de Hollande, c'est le désespoir, et cela semble comme la quadrature du cercle s'il réussissait à démontrer que ce dont se plaignent les 8 candidats de droite, c'est d'elle-même, c'est de son désespoir qui lui fait oublier tous les idéaux de justice dont nous avons besoin en ces temps, prête à se soumettre au pouvoir anglo-saxon, allemand, boursier, patronal ou épicier. Idéaux de justice que Hollande se doit d'incarner à l'aide d'un mythe, s'il ne le peut naturellement.

C'est pour cela aussi qu'il n'y a pas qu'un seul adversaire pour Hollande, mais bien 8, et les plus venimeux n'attendront pas le mois de mars pour faire comprendre à qui le veut, que le programme socialiste est irréaliste (opinion de 75% d'un échantillon de Français interrogés en novembre), irréalisable ou idéal. Plus encore, face à l'objection de sérieux qu'apportera le PS, l'extrême-droite assimilera le PS à l'UMP (c'est tellement plus facile d'être un clown). Si on objecte qu'il faut réfléchir, le PS ne gardera que les intellos, ou ceux qui se croient tels. Moscovici est inquiétant dans son genre, il veut décrédibiliser le projet du FN mais pour donner des leçons il faut être propre sur soi.

Instiller de l'espoir, François, c'est ne pas être velléitaire dans une situation où des décisions s'imposent.

« Je ne me livre en ce qui me concerne à aucune phrase qui puisse être utilisée demain par notre adversaire, parce qu'il le fera »
François Hollande, 11 octobre, au 20 heures de TF1, dans l'entre-deux-tours

samedi 24 décembre 2011

Ahem. Montebourg, trop visionnaire.

Montebourg à GQ« Je vais lancer mon propre mouvement en janvier et faire campagne. Le nom n’est pas encore arrêté. Ce mouvement sera inspiré de la candidature de Barack Obama et de la gauche italienne qui a su se restructurer. Il s’agit de soutenir la candidature de François Hollande, d’envoyer monsieur Sarkozy en retraite anticipée mais aussi de bousculer le PS tombé dans le formol ! »

Montebourg a peut-être compris quelque chose, mais s'il la joue perso en créant son propre parti-présidentiel pour les présidentielles de 2017, c'est un grave revirement de sa stratégie, qui du coup ne risque pas de payer pour Hollande.
Montebourg a passé son temps à ravaler la façade du PS, ce qui est assez contre-nature ; il y a eu des victoires, mais il y a tellement de batailles que seul un mouvement radical, anti-PS, peut avoir des effets radicaux.
On peut en effet désespérer en voyant les députés mitterrandiens de la première heure se battre à mort pour garder leur circonscription.
Montebourg supporterait Hollande tout en préparant sa sortie du PS ? Ça peut marcher ça ?

Parce que créer un nouveau machin à gauche, c'est bien le principe, mais si le PS ne tombe pas, ce sera sans effet. C'est bien eux le problème.
Cela me fait penser à Marcel Barbu qui disait ceci de Mitterrand dans Le Monde du 20 novembre 1965, p. 2 :
« [il est] prisonnier de plusieurs partis dont chacun s'est juré la mort de l'autre »
 (je n'ai pas pu vérifier la citation dans des archives, mais elle est ici).

 En l'occurrence il s'agissait du rassemblement de la gauche non-communiste dans le FGDS. Il y avait 5 partis, la vieille SFIO, les radsocs, le CIR de Mitterrand, et les partis de Poperen et Savary. Seul un parti survivra, la SFIO, sous le nouveau nom de Parti socialiste, intégrant la plupart des membres des autres partis de la FGDS. C'est seulement une fois que Mitterrand prend le pouvoir que le parti est fonctionnel, s'adapte à la Ve et peut créer le mythe Mitterrand.

 Hollande qui a déjà des problèmes à faire comprendre que sa ligne n'est ni celle du PS, ni celle du PS-EELV, ni celle d'EELV, ni celle du MoDem ou de l'UMP, celui-là donc, va devoir faire croire que Montebourg le soutient corps et âme et qu'il partage ses idées, mais pas toutes, mais qu'il est content de son soutien.
 Dommage que Montebourg veuille être Président au détriment de Hollande. Il aurait donc commis des crimes graves que nous devrions oublier ?

vendredi 16 décembre 2011

Pas d'élection sans peur

La peur est le premier moteur de l'élection. On aura beau faire des comptes-rendus administratifs comme on apprend à l'École nationale d'administration, les sympathisants s'en vont vers ceux qui vainquent leurs peurs. Même si elles sont complètement farfelues.

Il est bien clair que les campagnes présidentielles de 2002, sur le thème de l'insécurité, de 2007, sur la peur de ceux que le système désigne comme fainéants, ont obligé le candidat du Parti à se positionner par rapport à ces peurs (en particulier avec la faiblesse idéologique de S. Royal), ou bien au risque de perdre. On oublie que Jospin a aussi perdu face à l'ancien ministre de l'Intérieur Chevènement (5 p. 100) plus encore que contre Le Pen.

Liste des peurs autorisées en 2012 ou bien intemporelles et ceux que cela profite
  • peur de la dette : centre-droit, droite
  • peur de l'islam : sarko-lepénistes
  • peur de la déchristianisation : sarko-lepénistes
  • peur d'Allah : abstention (= tous ceux qui n'ont pas peur)
  • peur du nationalisme : europhiles
  • peur de la bureaucratie : conservateurs ou tout autre parti que le PS (car associé)
  • peur des impôts : sarko encore que chez certaines corporations : lepénistes
  • peur du déclassement social : en fonction de certaines déterminations
    • gros cons (Sophia Aram) : lepénistes, ou populistes de droites
    • milieux populaires hors catégorie suscitée : extrême-gauche
    • bobos, selon les catégories protégées : conservateurs, socialistes et écolos
  • peur de l'inconnu : politiciens opportunistes
  • peur du changement climatique : écolos, socialistes (sous réserve), gauche étatiste, centre-droit dont borloo
  • peur du ridicule : grands partis de masse (FN ou abstention, PS ou UMP selon la mode)
  • peur d'être démodé : dans la collection Printemps/Été 2012, on trouve chez les plus vieux les écolos et chez les tous jeunes rebelz, le lepénisme ; mais le top de la distinction NTIC, c'est de voter pour les meilleurs candidats twittos ...
  • peur de la fin du monde imminente : paradoxalement, tous ceux qui ressassent les vieilles idées, histoire d'être sûrs que la cause prenne son effet...
Comme on le voit, les peu de fois où le PS arrive à être sur un ce que nous appellerons une "offre phobique" (quoi... faut bien trouver un nom), il se trouve contesté. Il n'est pas LE must pour qui voter.

Bien sûr, on peut objecter : c'est le parti qui prétend au plus de justice sociale. À la meilleure redistribution. Il n'est pas à court de bonnes idées sur l'éducation, la santé, et il tente de concrétiser certains grands rêves écologiques.

Il n'empêche.

5 mois avant l'élection, Hollande commence tout juste à amender la plateforme du PS, là où, dans l'équilibre des partis-présidentiels des années 1970 à 1990, il fallait pour concevoir un projet victorieux des années. Chirac qui certes revenait de loin a mis 20 ans (1976-1995). Depuis la vie politique est plus rapide, mais ce n'est pas suffisant. Hollande, jamais ministre, a-t-il droit à un plus court chemin simplement parce que proche du centre ? À ce petit jeu là, à la première série d'erreurs c'est Bayrou qui remportera la grosse mise de la gauche aux primaires...

Peut-on penser à des peurs qui devraient vraiment profiter à un parti de gauche stable ? (en gras ceux jugés vraiment percutants)
  • peur d'une régression sociale
  • peur que le patronat national, européen et international dicte sa loi
  • peur que la France ne soit plus un bon exemple de bien-être (aux yeux des nouveaux pays développés)
  • peur que la démocratie soit bafouée ou limitée
  • peur d'une aggravation de la situation économique et sociale des immigrés, noirs ou musulmans
  • peur que les immigrés rejetés finissent par se défendre via un communautarisme
  • peur des réformes de la justice avec lesquelles le Parquet perd de son indépendance
  • peur que l'école ne serve vraiment plus à rien à nos enfants, ou que son organisation reste aussi injuste
  • peur que nos enfants deviennent des crétins assermentés par une É.N. ou un enseignement supérieur mercantiles
  • peur que la ségrégation sociale dans les villes et les écoles ne mène à des incompréhensions encore plus graves que celles d'aujourd'hui
  • peur que les problèmes de manque d'emplois, de risques de perte d'emplois, etc. ne soient pas résolus
  • peur que les problèmes au travail, chez les cadres
En listant ces peurs je me suis aperçu que j'ai mis du temps à trouver quelque chose de vraiment percutant. Et encore, il a fallu que je cherche chez moi ou que j'invente un peu sur l'immigration musulmane, puisqu'on n'entend jamais le PS là-dessus, à mots voilés ou non. On remarquera : le PS non, des élus socialistes, plein !
  Est-ce à cause de 21 ans (= Congrès de Rennes, 1990) d'un PS vide de sens qu'on a, entre la ligne du parti et le trait dessiné à la craie de ses politiciens, toujours un fossé ?

mardi 11 octobre 2011

Sur l'élection primaire et sur la fin du PS


  J'entends aujourd'hui attirer l'attention sur un nouveau phénomène importé dans la vie politique française : l'élection primaire. Organisée par un parti pour ouvrir à tous les citoyens volontaires le droit, traditionnellement réservé aux encartés, de nommer le candidat à l'élection présidentielle. À première vue, laisser le choix du candidat aux électeurs semble être une mesure particulièrement démocratique. C'est du moins une bouffée d'air, dans un pays où le transfert du pouvoir par le peuple et le contrôle exercé par celui-ci se résume à un double scrutin tous les cinq ans, sur des questions de personne autant que de conjoncture. Encore que ce ne sera pas l'usage d'un moment : la droite entend déjà, lorsqu'elle aborde le sujet de l'après-Sarkozy, régler ses conflits de la même manière.
--------- LA GAUCHE A DÉJA GAGNÉ SANS PRIMAIRES ---------
   Mais si les primaires sont une amélioration de la vie démocratique, pourquoi n'y a-t-on pas pensé avant ? Serait-ce pour de basses raisons ? Avant, lorsque PS et RPR, UDF et PCF, choisissaient chacun leurs candidats, le défaut majeur de la démocratie française résidait-il dans la nomination en interne de ses acteurs majeurs ? Une fois prise l'habitude des primaires, les défauts que l'on prête au système seront-ils résolus ?

   Car quelles sont ces tares que l'on prête tous, au moins de l'extrême-gauche au centre, à notre régime ? Sa tendance à la personnalisation plutôt qu'au conflit d'idées ; la concentration du pouvoir, quitte à des dérives ; une faible responsabilité politique ; un manque de débats (au sens de conflits dialectiques) qui pourraient aboutir soit à la victoire d'une idée soit à un compromis entre plusieurs ; plus généralement la pénurie d'idées-forces. Pourquoi de tels problèmes ?

    L'évolution des médias est une chose : par exemple, les hiérarchies traditionnelles sont brisées depuis longtemps et le politicien, l'administrateur, ne peuvent passer pour tels, mais pour l'administré ; surtout, les messages médiatiques ressemblent à du bruit probablement parce que l'idéologie dominante ne permet pas de les comprendre.


--------- LES RÈGLES IMPLICITES DE LA PRÉSIDENTIELLE ---------
    Mais plus fondamentalement, les questions de personnes plutôt que d'idées sont une décadence des principes de la Ve République. Comment fonctionnait-elle ? Si elle était "au-dessus des partis", elle s'est en fait stabilisée autour des partis-présidentiels après l'élection législative de 1962 qui donne carte blanche au parti de De Gaulle. On a ainsi eu : UNR par et pour De Gaulle, UDR par et pour Pompidou, RI par et pour Giscard, PS pour Mitterrand, RPR par et pour Chirac, UMP pour Sarkozy, avec quelques grands partis qui n'ont su se plier aux règles du jeu, PCF et FN, ainsi que UDF peut-être à cause de Giscard. En bref, le système fonctionne, depuis 1962, autour de partis qui permettent
  1. d'unir un camp autour d'un candidat à la présidentielle, d'où découle une certaine cohérence du programme née des décisions du chef aidé de son conseil
  2. de soutenir cette personne de sorte à lui donner une aura gaulienne, à faire oublier ses tares
  3. d'envoyer ce camp dans l'opposition ou la majorité parlementaire, ainsi que dans les conseils généraux, jusqu'à ce qu'un autre parti prenne la place, ce qui typiquement dure une trentaine d'années
   Ce système trouva son équilibre entre la première élection directe (1965) et la poussée des centristes face aux gaullistes (1973, 1974). Le tableau reste pertinent jusqu'à aujourd'hui, à une exception près, et pas des moindres : la gauche.


--------- POURQUOI UN SEUL PRÉSIDENT DE GAUCHE ? ---------

   En effet, parmi les six présidents élus au suffrage universel, seul un fut de gauche. Si de tous les partis-présidentiels de droite il n'en reste plus qu'un, celui de l'actuel président… à gauche, le PS, parti-présidentiel de Mitterrand, est toujours là, 42 ans après sa fondation en 1969, 23 ans après la dernière élection de Mitterrand. Encore une fois, pourquoi ? Est-ce normal ?
Fondation du RPR eurosceptique
sur les ruines de l'UDR, 1976
À première vue, oui, il semble plus facile, pour un conservateur, un gaulliste ou un libéral, bref, un homme politique de droite, de feindre l'opposition et le compromis sans manquer de trouver son électorat. Alors qu'historiquement, il y a ou bien le socialisme démocratique, ou bien le socialisme soviétique, condamné avec la présidentialisation. Giscard s'est opposé à droite aux gaullistes, Chirac aux giscardiens et Sarkozy aux chiraquiens (mais grâce au parti unique, ce fut plus simple). Par contre, si Mitterrand et d'autres ont contre la SFIO (de laquelle ils n'appartenaient parfois même pas) fondé le parti socialiste de la Ve République, il n'y a a eu personne pour s'opposer ensuite au PS. Or c'est le mouvement recherché. Enfin… si, énormément d'oppositions, mais jamais dans le même sens, jamais assez fortes, jamais dans le sens voulu par les institutions. Les oppositions furent externes et internes.

--------- DES LUTTES INFRUCTUEUSES ---------
Précisions : la lutte est merveilleuse. Mais elle doit se faire dans les règles du parti-présidentiel.
     1 - Les oppositions externes. Le paysage politique a radicalement changé : les classes ouvrières rouges ont souvent viré xénophobe, et du coup, par balancier, la gauche de nos jours inclut une partie du centre d'alors : les Radicaux de gauche sont ainsi réapparus comme pendant au Parti Radical à droite. À côté de cela, les écologistes ont pragmatiquement choisi la gauche au tournant de 1995. Face au PS europhile, les souverainistes (Chevènement) sont apparus. Et les communistes sont restés de vrais communistes, donc peu nombreux. Sans parler de l'extrême-gauche qui connaît un succès compréhensible en ces temps de crise du capitalisme, socialement du moins. Bref, dans cette myriade de petits partis, aucun n'est capable de s'adapter au règles du jeu présidentiel, qui est le pilier du régime. Aucun ne peut espérer rivaliser face au PS, le remettre en cause, et ce, même aux élections locales ! Sauf dans les rares élections à la proportionnelle (européennes et régionales, jusqu'en 2010). Par la logique électorale donc, peu compétitive à moins d'un nouveau parti-présidentiel, le PS est condamné à exister quel que soit la portée de son programme.
    À y regarder de plus près donc, les communistes étant maintenant peu nombreux en plus d'être non-présidentiables, il n'y a pas de raison de croire que la gauche ne pourrait pas être aussi sauvagement conflictuelle que l'est la droite, et être le terrain de jeu de nombreux partis-présidentiels… si ce n'est par amour de la démocratie et du débat contradictoire, au sein de règles établies.
      2 - Les oppositions internes. C'est d'ailleurs là que se trouve la grande différence : à gauche, on préfère des conflits résolus par des règles démocratiques, aux guerres entre barbouzes, meurtrières s'il en est (cf. 1995 et l'attentat de Karachi, vous pouvez m'aider à compléter…). C'est là aussi la situation de nos jours à gauche : les conflits ne sont pas seulement en dehors du PS, ils sont en son sein, à tel point que c'est devenu une ritournelle des médias. De nos jours, cette espérance en la démocratie interne finit par s'opposer aux règles du jeu des institutions, qui veulent des conflits de chefs. Mais un coup d'oeil sur l'histoire du PS nous permet de dire que la démocratie interne lui a profité.
La CIR (1965-71) 1er parti de Mitterrand
      Mitterrand, dans sa course à l'Élysée, a eu un intérêt à chapeauter les différentes tendances hétérogènes à gauche, nées notamment des courants post-soixante-huitards. D'où l'institutionnalisation des courants. Par méconnaissance de l'histoire du principe et de son fonctionnement concret, je ne m'étendrais pas là-dessus. Mais il n'est pas hasardeux de dire que ce conflit interne, internalisé, a permis l'assise de Mitterrand sur son parti, ainsi que le succès du parti. Il ne restait plus que le PS, en 1981, comme parti de gouvernement de gauche.
     Cependant, au vu des résultats des Congrès socialistes depuis 1990, le problème semble être que les courants, historiquement donc des faire-valoir, semblent avoir fini par croire en leur autonomie. Dans une sorte de renversement total, ce sont les factions qui permettaient à Mitterrand de régner en maître qui viennent tour à tour s'asseoir sur le trône. Et le petit royaume de princes locaux séides enchaîne les défaites annoncées.

    Les défaites, bien sûr, car un parti-présidentiel ne tient pas son succès de ce qu'il est un groupe politique, mais parce qu'il a un candidat. Un candidat qui est la force centrifuge (a) de tous les choix de plateforme, (b) du mouvement militant et (c) de la propagande politique. C'est l'habituelle chanson de l'homogénéité mais qui en démocratie multipartite ne se dément pas  ; la Ve République impose en sus qu'il y ait incarnation par une personne, mais, tout le monde sait qu'en vérité, c'est le cas de toutes les démocraties de nos jours -- même la vieille démocratie britannique s'est mise aux débats télévisés, en 2010.
    Mais pour que cette incarnation arrive à gauche, il faut pouvoir se rappeler de ce qu'elle implique en termes d'organisation.



--------- LES RÈGLES DU JEU DE NOS JOURS ---------
    Y a-t-il eu des changements dans les "règles du jeu des institutions" ? Certainement le quinquennat, d'une part, et le parti unique à droite, d'autre part. Au vu de la campagne à droite pour la réélection de Sarkozy, on peut penser que ces deux changements laissent beaucoup moins de temps aux opposants de constituer une équipe et des soutiens, et surtout aucun moyen de se tester au niveau électoral. Mais à gauche, on ne sait pas encore l'importance de ces changements. Avant tout, quinquennat et grand parti de droite sont les marques d'un déséquilibrage du jeu des partis-présidentiels.
N. Sarkozy prend l'UMP pour seulement 3 ans
    Ce que l'élection implique en tout cas en termes d'organisation, c'est plusieurs choses :
  • Il faut un chef, une force centrifuge
  • Il lui faut des soutiens de poids, qui trouvent leur place au sein de la future équipe gouvernante, mais si possible, par la grâce du chef plus que par un mécanisme automatique.
  • Des militants entendus, via des pratiques démocratiques, mais sans jamais remettre en cause l'incarnation même du programme (contestation des détails).
  • Le chef étant capable à la fois de tenir les uns et les autres, de composer le programme, et d'en être le porte-parole. 
   De manière presque logique on aboutit à quelque chose de cohérent et de fonctionnel. En outre, il faut de vrais dissidents vraiment impuissants - mais c'est peut-être trop regarder la droite que de le dire si crûment.


    Il est certain que le Parti socialiste n'est ni la seule, ni la meilleure des manière pour la gauche d'organiser sa conquête du pouvoir, dans le cadre fixé par la Ve République, même si ce cadre s'érode, est rapiécé, et finira bien, on peut l'espérer vivement, par tomber un jour.

Revenons-en aux primaires.
LES PRIMAIRES : L'EXTRÊME-ONCTION POUR LE P.S.

   2008. M. Montebourg regarde les images en provenance d'Amérique. Il y voit, après sept ans d'administration Bush, un candidat qui est tout aussi inconnu avant l'élection que lui-même en France, et qui répond au nom d'Obama. Il s'oppose à une favorite des sondages, Clinton, et s'affrontent verbalement durant des mois, État après État, pour obtenir la nomination du parti. Cette "élection primaire" place le vainqueur, au pire en seconde place, mais que la conjoncture de 2008 assurait d'une première place. L'année 2008 fut en effet la meilleure pour le Parti démocrate en plusieurs décennies. Malgré cet effet conjoncturel, il reste ébloui par la dialectique fructueuse entre les candidats, et leur réconciliation orchestrée pour les télés de main de maître.
    C'est ce principe qu'il impose (Le Monde, Comment le PS a décidé d'organiser sa primaire, 7 octobre 2011) à certains éléphants du P.S. qui ont pour seul dénominateur commun leur soutien à Martine Aubry, et en filigrane leur opposition à une prise du parti par Ségolène Royal : des gauchistes aux sociaux-libéraux. Ils sont dubitatifs mais idéologiquement trop hétéroclites pour ne pas y voir leur intérêt. Malgré les dissensions, M. Montebourg, devenu capital, finit par faire avancer le projet. Mme Aubry deviendra Première secrétaire, et le principe d'une primaire ouverte sera ensuite ratifié par les militants fin 2009.
    Les primaires ouvertes sont donc ceci : un accord en vue d'une liquidation des désaccords de manière électorale, par des éléments largement externes au parti.
   C'est de mauvaise augure. Les médias sont-ils meilleurs que les militants ?
   Entre temps, le type de scrutin, plutôt qu'une pâle copie du système étasunien des primaires, sera remplacé par un système majoritaire à deux tours.
   Or on connaît la tendance des élections à deux tours, très utilisées pour les présidentielles de par le monde, à relativiser les conflits, à ne pas représenter les différences dans leurs vraies proportions, et même à les exacerber. Une "large victoire" sera une victoire à 54 contre 46 pour 100. Nous avons l'exception Le Pen en 2002, qui est plutôt à ranger du côté des imprévus ; mais de par le monde ce mode d'élection est très utilisé et ce type de résultat est rare. D'ailleurs en 2012 les sondeurs prévoient que les électeurs relativiseront un peu plus les choses avec Le Pen fille au second tour. C'est cet effet de la "victoire dès 50%" qui pousse à relativiser. Un électeur hésitant pourra choisir de voter pour le moins favori, d'autres convaincus que leur favori gagnera ne se déplaceront même pas.
   Autre démon du deuxième tour, avec deux candidats. Devant un choix dichotomique l'électeur doit choisir entre le moindre des deux maux -- le cas 2002 est remarquable, mais 2007 aussi, il est probablement une lointaine conséquence du vote utile (deux malins ayant alors compris qu'il était possible de tout promettre pourvu qu'on était dans le bon parti). L'élection se décide alors souvent sur le second choix de quelques uns, un choix parfois très ténu, très incertain, avec de l'autre côté tout le clientélisme, les manigances, et la schizophrénie des candidats. Dans ce cas, les systèmes parlementaires sont mieux armés : au moins, ce sont les représentants des factions notables qui recherchent un accord avec la force de chacun.
   Bref, il est difficile de croire que la primaire, puisqu'elle est sérieusement contestée, aboutira à donner un vrai chef. Le "chef" étant une dénomination a posteriori, c'est-à-dire que s'il n'y a pas les ingrédients pour faire un chef, exposés plus haut, on ne voit qu'un candidat prétentieux, avec ses défauts, sa fragilité, son humanité. C'est bien plus probable, contrairement à ce que la primaire du Parti démocrate américain de 2008 a pu faire croire à Montebourg, que la primaire couronne un candidat plutôt qu'un chef.


Brouillon En France, le système remplace peu à peu le vote militant. En 2006, la primaire socialiste reste fermée aux militants, mais leurs effectifs furent élargis pour l'occasion avec des "inscriptions à 20€". Et la primaire citoyenne de 2011 se veut même une gigantesque élection non-étatique, sur dix mille bureaux de votes, qui permet le droit de vote à tous les citoyens français (ainsi que les mineurs de 16 ans) en l'échange d'un euro et d'une profession de foi.

vendredi 2 septembre 2011

Un éloquent pot-pourri de recherches internet

Pour vérifier si l'image d'un P.S. en état de mort prononcée est partagée par d'autres, il m'a été permis, par une simple recherche sur Internet, de trouver ceci… avec la simple chaîne de mots-clés « PS doit mourir ».

La suite de mots est proche d'une phrase prononcée par Bernard Henri-Lévy au Journal du Dimanche en juillet 2009 (après la guerre pour le poste de premier secrétaire, puis la défaite aux européennes), « le PS doit disparaître ». Cf. Le résumé du Monde. Il s'exprime par la suite dans d'autres médias, où il affine sa pensée et précise qu'il voudrait voir un changement de nom, une refondation avec une primaire ou une vaste consultation.

C'est Pierre Moscovici qui relativise la critique dans un entretien à Marianne. Il refuse l'idée du statu quo et l'idée trop facile d'une table rase.

Mais laissons plutôt la parole au peuple. Voici ce qui ressort du fouillis de données que contient la toile.

À la même époque (2009), sur le forum de France2.fr, un certain JCL31, par un message sur le PS (la discussion étant partie d'une lettre de Martine Aubry aux autres chefs de la gauche), résume le quotidien du PS à une « bagarre de mots de chiffonniers », représentant d'une « gauche qui ne trouve son oxygène que grâce (…) à l'UMP », avant de proposer un florilège des dernières petites phrases, dont celle de BHL.


Sur le forum de hardware.fr, forum plus généraliste que le site informatique, en octobre 2009, un certain korrigan73 écrit dans une longue discussion sur le Parti de Gauche (alors bourgeonnant) : « le PS doit mourir. Idéologiquement parlant il l'est déjà depuis la mort de Tonton, il ploie actuellement, reste a lui péter les genoux pour qu'il finisse de mourir et rebâtir la gauche sur ses restes… ». À l'évidence d'aujourd'hui Jean-Luc Mélenchon n'a pas réussi à rebâtir la gauche, mais le constat de mort est présent.

Bien plus tôt, en janvier 2007, alors que la campagne présidentielle de Ségolène Royal prend un mauvais tour, une blogueuse socialiste, Osemy, la louve, déçue par la survie des éléphants et le manque de cohérence de la candidate, annonce qu'elle n'est plus militante du PS. Elle voudrait même voir sa disparition, « pour laisser une chance au socialisme français de (…) se renouveler ». Elle aussi tend à croire que la solution est franchement anti-libérale et s'encarte - mais ce ne sera que pour un an - au PCF.

La même année, mais cette fois après les élections d'avril, mai et juin, un blog qui n'est plus tenu (2007-2008), nommé Groupe Jeune d'Opposition, était plus fin dans son analyse du potentiel du PS que M. Moscovici deux ans plus tard. Il ne se réjouit pas du gain de sièges aux législatives qu'il observe comme seulement basée sur de l'anti-sarkozysme ; mais surtout il écrit que plus de démocratie au sein du Parti n'est pas possible sans « sortie des institutions », et après avoir rappelé l'exemple du Parti communiste qui n'a cessé de se rénover en interne alors que son problème était lui-même, il voit dans les courants une force de blocage (mais propose leur retour dans un plus grand parti de gauche).

L'année 2008 est surtout marquée par le congrès de Reims en novembre. Le psycho-drame alors en cours amène à ce qu'on trouve un rapport de police sur l'assassinat du PS et le blogueur Nicks de commenter que le « Le PS doit mourir pour que la gauche renaisse. Ça peut se passer au congrès si Royal échoue. » La dernière phrase est probablement une erreur de lecture, car Mme Aubry était soutenue par une large coalition hétéroclite des anti-Royal et anti-présidentialisation du poste de Première secrétaire, qui allait de B. Hamon aux strauss-kahniens.

On trouve aussi sur le forum de magicmaman un fil qui contient un passage sur le Congrès de Reims alors s'approchant. Les participantes s'accordent sur une différence entre la gauche et les pontes du PS. Une habituée glisse, après avoir dit que ces derniers étaient pour la plupart centristes  : « Le PS doit mourir pour renaître (…) à gauche, les centristes du PS rejoindront Bayrou ça me semble être la seule alternative pour avoir une véritable force d'opposition (de gauche) en France. »

On trouve dans un blog hébergé par Mediapart un commentaire datant de 2009 qui reste une critique d'ordre général : « Le PS doit mourir, et si nous en sommes à ce point dans l'hexagone, la responsabilité en incombe seulement au PS et à ses lubies électoralistes. Mais tirer le bilan et assumer ses responsabilités et toujours très difficile, surtout pour le PS qui préfère accuser X ou Y plutôt que de se regarder dans une glace ! ». L'auteur, forgery, semble provenir de la gauche radicale ouvrière.

Bien mieux dit, Pascal Dinot écrit sur un blog hébergé par over-blog que le problème n'est pas, comme Manuel Valls le prétend, une alternative entre « changer ou mourir », mais celui de « mourir pour changer ». Il a en fait consacré une section de son blog à ce la « dissolution du PS » qu'il pressent.

De manière générale, ce serait tout le système socialiste qui serait pourri, notamment par l'argent et le pouvoir. C'est l'opinion d'un commentateur a fortiori sarkozyste qui répond au prénom de Bernard. Les meilleurs partent dans des partis plus à gauche, dit-il, chez les Verts, ou au centre ». Reste alors « tous ces grands cadres sans convictions qui ne savent que diriger ».