mardi 21 février 2012

  En écrivant ici que le meilleur pour le socialisme français est la mort du P.S., il ne s'agit pas de se trouver des excuses pour ne pas voter à gauche…

  Notre hypothèse est la suivante : étant donné (1) qu'un parti sert à développer une plateforme politique et que (2) notre régime demande un chef, on s'aperçoit que les faiblesses du P.S. résident dans le (2) malgré les bonnes volontés programmatiques (1). À l'évidence, il est toujours le parti de Mitterrand et n'aurait pas dû survivre après la mort politique de ce dernier. Qu'il y ait malgré tout victoire, cela ne change pas que dans les deux cas la joie ne peut être au rendez-vous. Les symptômes s'accumulent : 
  • il ne peut pas y avoir de démocratie interne au parti qui ne profite pas d'avance au chef, pas de discours qui ne soit mythique
    • preuve : les courants du P.S. se disputent les places depuis la fin des années 1980 sans avoir compris que leur existence présuppose un chef de toutes les factions, système qu'avait parfaitement compris Mitterrand, cf son travail de présidentialisation entre 1965 et 1981 ;
  • les « partis-présidentiels » prévoient l'arrivée au pouvoir autour d'un Chef, mais pas la sortie du pouvoir, d'où les graves crises de génération au P.S. :
    • preuve : nous sommes encore, en 2012 devant le spectacle de mitterrandiens de la première heure, devenus vieillards, voulant à tout prix conserver leur circonscription, même s'ils n'ont plus rien à voir avec la ligne du parti
  • Mitterrand, et personne d'autre, est le chef actuel du P.S.
    • signe : on continue les références à Mitterrand, à chaque janvier de sa mort et après encore,  or Mitterrand n'est pas comparable idéologiquement à notre époque (il a d'ailleurs connu lui-même plusieurs époques) ; toute comparaison amène alors à remarquer que Mitterrand avait mieux réussi que tous les autres l'Union de la Gauche, qu'il est là sans être là (ministres inoubliables, structure du parti)
  • le parti n'attire ni les jeunes (preuve MJS toujours aussi ringard), ni les femmes (signe cf des circonscriptions réservées aux femmes où aucune ne se présente), ni les actifs (preuve cf parterres de réunions), et relativement peu d'enfants d'immigrés, sauf peut-être quelques uns montant l'échelle sociale ;
  • avec ses défaites aux présidentielles, le parti a pu « remporter » toutes les élections au niveau local (2001, 2004, 2008, 2010, 2011) mais chacun sait que c'est par défaut, simplement parce qu'il est le seul parti d'opposition, et non parce qu'il arrive à diffuser ses idées ;
    • preuves en sont : en 2011 le FN est devenu par endroits la première opposition ; ailleurs ces victoires au local se font dans l'abstention généralisée, sinon par la grâce d'un mode de scrutin qui permet l'alliance avec les écologistes ou le Front de Gauche
  • le P.S. est idéologiquement incohérent, à cause d'absence de chef
    • pas de chef pas d'ordres pas de sous-fifres : un parti permet d'élaborer et de diffuser un programme, et il faut alors un chef pour l'arbitrer et l'incarner ; or Hollande a dû passer plusieurs filtres qui lui ont rendu la tâche complexe, si bien qu'il ne sait trop quoi dire, comme ses chers militants
    • dans la gestion : Les premier-secrétariats de François Hollande (1997-2008) ou de Martine Aubry (2008-) n'ont pas fait d'eux des chefs évidents. Ils étaient au-dessus des motions, parce qu'ils proposaient des plus petits dénominateurs communs.
  • le P.S. ne peut pas connaître une autorité neutre, car toute autorité est élue en interne
    • preuve : les corrompus de Marseille furent des soutiens cruciaux pour Martine Aubry, laquelle en retour blanchit les mêmes corrompus de Marseille, lesquels lui renvoient l'ascenseur lors des Primaires
    • 2e preuve : récemment c'est la fédération du Nord qui est mise en cause
  • la seule autorité qui apporte de la fraîcheur provient d'un élément externe : les fondations ou les médias
    • fondations : La délégation croissante de la réflexion à des groupes de pensées : Fondation Jean-Jaurès (depuis 1992), À gauche en Europe (2003) et surtout Terra Nova (2008). Encore une fois, tout cela sort dans les médias, permet de jauger la popularité d'une idée, mais si elle l'est elle ne peut profiter au chef.
    • dans les médias : Montebourg a compris l'importance du coup médiatique en portant des projets qui sont indiscutables de l'extérieur : s'opposer au non-cumul des mandats, à l'ouverture du processus de choix à tous les citoyens (primaires), c'est être un arriériste dans le parti (à éliminer) ou un arriériste hors du parti (qui n'a rien à dire)
  • avec ces éléments externes pour béquilles, le P.S. n'est plus maître de lui-même
    • dans les médias : les primaires de 2006 et 2011 ont désigné vainqueur le favori des sondages, ce qui est à la fois une prudence de l'électorat bien normale, mais aussi un problème quand on voit comment cela finit (vacuité de Royal, duplicité de Hollande)
    • à la vue de tous ces sondages présidant une victoire de Hollande, on pourrait douter de la gravité des tares du P.S. énoncées ici ; disons en tout cas que, comme le parti est mal organisé, il ne peut pas agir ; Hollande ne se repose pas sur ses lauriers par stratégie, mais parce qu'il ne peut presque rien oser sans se mettre à dos un camp ou un autre
  • de par sa faiblesse le parti ne peut pas par conséquent assurer le retour d'un socialisme au pouvoir en France ; ce sera un parti dirigé de l'extérieur, sinon par un chef sans maîtrise, sinon sans appuis. Le travail de propagande est lacunaire, personne ne peut citer plusieurs mesures phares du projet ; l'anti-sarkozysme se répand dans n'importe quelle situation sociale, mais répandre l'espoir du P.S., c'est une autre affaire

jeudi 16 février 2012

Game over

Le début de campagne de Sarkozy, ces 15 et 16 février, m'a fait l'effet d'une agression en pleine rue. Le dégoût, l'écœurement. On m'a volé ma voix ! Les voleurs sont déjà bien loin. Médias déjà dissimulés dans des montagnes de lettres ou voguant sur des flots de paroles. Moi qui avait cru qu'ils étaient revenus dans le droit chemin !
J'avais oublié que la politique, c'est aussi la voyouterie, le détournement des règles communes. La passion des médias pour elle s'explique.

J'oublie une chose. Le plus important. Mon souci, ce n'est pas qu'on me vole ma voix, je peux de plein gré la perdre pour un candidat utile. C'est plutôt de pressentir qu'on ne me fera pas justice. Je m'émeus d'une chose aussi anodine que les détournements de l'affiche de Sarkozy. Il y en avait déjà eu plein en 2007. Peut-être aviez-vous vu « Ensemble* tout est possible, *sauf les chômeurs, les musulmans, etc… », ou encore « Votez Le Pen » avec sa photo bordée de noir. La critique a beau être précise, un candidat de gauche a besoin de répondre aux arguments.

Mais rien n'a vraiment changé. Le gars assume un fascisme pragmatique qu'il assumait déjà il y a cinq ans. La psychologie populaire d'aujourd'hui comme d'hier serait d'accord pour dire qu'il faut accepter ce type avec ses tares, mais quelque chose de lancinant nous rend las quand ce même taré vient à demander le trône.

La question revient, c'est celle qu'on pose trop tard : quelle alternative ? Si ce n'est pas une évidence, c'est que la campagne est mal partie. Hollande se repose sur ses lauriers, n'est pas mythifié, le PS n'est pas son parti (puisqu'il est à Mitterrand), bien moins que l'UMP est celui de Sarkozy ou le FN celui de la large famille Le Pen.

À la dernière consultation je m'étais résigné vers le mois de février, déjà, parce qu'un simple calcul pouvait prédire ce qui allait arriver. Royal échouait en rhétorique, c'est-à-dire en tout, Bayrou était profiteur et finalement grande victime du vote utile, les industriels et les désespérés étaient vent debout pour Sarkozy.

Remplaçons Royal par son compagnon et faisons entrer le PS en soins palliatifs (les primaires citoyennes, complètement anti mythe présidentiel). La même chose peut se reproduire. Il ne manque plus que des faux-pas.

Nuançons. Cohn-Bendit avait prédit une victoire de la gauche aux législatives même en cas de victoire de Sarko. On peut croire qu'il y aura un peu de gâteau quand même. Des miettes : avec une réélection en mai, quoi qu'il arrive, bonjour la règle d'or, au revoir le retour à un État-providence et nos hommages au racisme ordinaire !