mardi 27 décembre 2011

Les huit adversaires du PS (et comment il eut fallu les combattre)

« Je n'ai qu'un adversaire, c'est Nicolas Sarkozy »

François Hollande, 12 octobre, au 20 heures de France 2, dans l'entre-deux-tours


Le Parti socialiste est à l'unisson face à son adversaire, répète-t-on aujourd'hui comme une sourate. Seulement, cet adversaire, quel est-il ? Est-ce Sarkozy ? Cela n'est pas le plus important, car il faut surtout sortir du lot des opposants ; à droite, ils sont sept, et deux peuvent accéder au second tour. Qu'est-ce qui distingue Hollande de Bayrou, de Le Pen ? Il faut, dans le jeu politique, réussir à maîtriser la quatrième dimension, celle du temps, et prévoir le créneau dans lequel tel adversaire petit ou grand se répètera. Se répètera ou dira des conneries, pour reprendre le célèbre adage de Mitterrand.


Morin et Boutin devraient revendre leurs centièmes d'électorat convaincus contre la promesse de deniers publics plus intéressants à leurs yeux de ploutocrates que la gloire intellectuelle ; Nihous, comme tous les principicules de droite, devrait jouer une partition clientéliste et avilissante ; Le Pen tirera encore plus la raison humaine vers le bas en produisant une série de paradoxes populaires (qui lui plomberont l'accès au second tour quoi qu'on en dise) mais sa dé-diabolisation prépare surtout les législatives où le FN tentera une alliance avec des partis bourgeois avant la sécession des nazillons. Dupont-Aignan, en spéculant sur la faiblesse de l'Euro, se créera une popularité bien utile pour plus tard (lui qui n'avait pas écrit le mot « justice » dans son programme de 2007) ; Villepin se veut christique mais il a surtout besoin de créer un mythe autour de sa personne pour faire oublier ses casseroles, sa stratégie est post-sarkozyste ce qui n'empêchera pas Sarkozy de se lancer bien après lui.

Si l'on y réfléchit, ces six candidats à la droite de Bayrou ne peuvent pas arriver au second tour parce qu'ils ne le veulent pas. Ils préparent tous l'après-Sarkozy, ce qui est raisonnable puisqu'il y a des postes locaux à promettre, toutes les élections locales sont en 2014 et elles seront anti-gouvernement, donc férocement anti-centre-gauche si Hollande puis le PS-EELV gagnent, mais aussi anti-UMPS si Sarkozy se maintient dans une cohabitation.

Or, selon la rumeur contrôlée ou au vu de l'absence médiatique des grands ministres, Sarkozy commencera le plus tard sa campagne pour se présenter en rassembleur à la manière de Mitterrand en 1988. « Sarkozy rassembleur », cela semble tellement incongru de le dire, et pourtant, celui-ci fait le pari qu'aucun de ses différents adversaires ne s'extraira de la campagne avant lui. Rassembleur face à l'extrême-droite qui a chassé le naturel, et face à la gauche érodée par le pouvoir local et qui tend presque autant au désespoir en la politique que la droite.

L'espoir. Voilà la césure majeure entre Hollande et tous ceux à sa droite : on peut payer ce qu'on promet, on peut passer des traités avantageux, on peut prétendre à améliorer nos vies malgré une croissance faible ou absente, on peut donner plus de chances à nos enfants, on peut sans exclusive donner ses chances à tout le monde. Seulement Hollande se défend peu, se modère, semble douter ; d'autant plus que son parcours de Parisien, d'énarque puis d'apparatchik ne va pas dans le sens d'un prophète.
 
C'est la césure qui transparait le plus à la vision d'un Montebourg et d'un Bayrou discutant sur un plateau de télévision : les agences de notation, on peut ou on ne peut pas s'y opposer. C'est bien évidemment le moteur de l'extrême-droite, désespérée au point de laisser tomber les idéaux de liberté, de démocratie et d'égalité.

Et c'est le slogan de la campagne d'Obama (ces paragraphes étaient-ils par lui subconsciemment menés ?). Ses trois ans de Présidence face à un Congrès désespérant nous montrent aussi que la question de l'espoir est surtout formelle. Une fois avoir placé aux commandes des optimistes, le désespoir ne s'estompe pas, il progresse. Les partisans de Mitterrand s'en souviennent aussi.

L'adversaire de Hollande, c'est le désespoir, et cela semble comme la quadrature du cercle s'il réussissait à démontrer que ce dont se plaignent les 8 candidats de droite, c'est d'elle-même, c'est de son désespoir qui lui fait oublier tous les idéaux de justice dont nous avons besoin en ces temps, prête à se soumettre au pouvoir anglo-saxon, allemand, boursier, patronal ou épicier. Idéaux de justice que Hollande se doit d'incarner à l'aide d'un mythe, s'il ne le peut naturellement.

C'est pour cela aussi qu'il n'y a pas qu'un seul adversaire pour Hollande, mais bien 8, et les plus venimeux n'attendront pas le mois de mars pour faire comprendre à qui le veut, que le programme socialiste est irréaliste (opinion de 75% d'un échantillon de Français interrogés en novembre), irréalisable ou idéal. Plus encore, face à l'objection de sérieux qu'apportera le PS, l'extrême-droite assimilera le PS à l'UMP (c'est tellement plus facile d'être un clown). Si on objecte qu'il faut réfléchir, le PS ne gardera que les intellos, ou ceux qui se croient tels. Moscovici est inquiétant dans son genre, il veut décrédibiliser le projet du FN mais pour donner des leçons il faut être propre sur soi.

Instiller de l'espoir, François, c'est ne pas être velléitaire dans une situation où des décisions s'imposent.

« Je ne me livre en ce qui me concerne à aucune phrase qui puisse être utilisée demain par notre adversaire, parce qu'il le fera »
François Hollande, 11 octobre, au 20 heures de TF1, dans l'entre-deux-tours

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